Politiques des données urbaines : les enjeux de gouvernance liés aux données

Politiques des données urbaines : les enjeux de gouvernance liés aux données

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Antoine COURMONT,
Chercheur en science politique,
Responsable scientifique de la chaire Villes et numérique,
École urbaine de Sciences Po Paris.

Le Prix de thèse sur la ville 1 récompense depuis 2006 les meilleures thèses de doctorat soutenues en France ou à l’étranger et traitant de la ville. Pour sa 12e édition, le Prix spécial a été remis à Antoine Courmont pour sa thèse de doctorat en science politique Politique des données urbaines. Ce que l’open data fait au gouvernement urbain, thèse soutenue en décembre 2016 à Sciences Po Paris, sous la direction de Dominique Boullier.

Si les administrations municipales ont toujours été productrices et utilisatrices de savoirs de gouvernement, d’indicateurs ou de statistiques, à partir du milieu des années 2000 de nouvelles entités ont fait leur apparition dans le gouvernement urbain : les données. Elles sont maintenant devenues un enjeu central pour de nombreuses métropoles, qui développent des stratégies, mettent en oeuvre des instruments, transforment leur organisation et créent de nouveaux métiers pour gérer cette entité informationnelle. Pour les collectivités, quels sont les principaux enjeux de gouvernance liés aux données ?

La donnée complexifie la gouvernance urbaine en accroissant la diversité des acteurs participant à la régulation des territoires et de leurs habitants. Alors qu’auparavant les coûteux investissements nécessaires à la production, au traitement, au stockage et à l’analyse de données réservaient leurs usages à des acteurs publics ou privés disposant des ressources importantes, la baisse considérable des coûts de calcul et de stockage rend possible l’émergence de nouveaux acteurs de la donnée. Les acteurs du secteur de l’IT (Technologies de l’Information), les start-up, les plates-formes ou même les organisations citoyennes à l’instar d’OpenStreetMap, participent désormais, par l’intermédiaire des données, à la gouvernance urbaine.

Cette capacité accrue de traitement de la donnée permet à ces acteurs de produire des représentations du territoire autres que celles fournies par les institutions publiques. Ces nouvelles représentations de la ville troublent l’agencement stable des politiques publiques, provoquant des tensions avec les autorités publiques locales. L’exemple de l’application Waze est à ce titre révélateur : par l’intermédiaire d’une représentation alternative de la circulation routière, la plate-forme propose un service de calcul d’itinéraires provoquant des reports de trafic sur des voiries que les autorités publiques jugent peu adaptées pour recevoir ces flux. Alors que, traditionnellement, ce sont les institutions publiques qui assurent la force de la réalité, ce rôle est contesté par une entreprise privée, Waze, dont la représentation du monde se voit dotée d’une force prescriptrice pour les automobilistes. L’état de la circulation établie par les pouvoirs publics ne fait plus référence : les automobilistes se coordonnent et agissent dorénavant à partir de la réalité de la circulation routière produite par l’entreprise. Ainsi, en perdant la maîtrise de la représentation de l’espace, la capacité des pouvoirs publics à gouverner la ville est mise à l’épreuve par l’émergence de ces nouveaux acteurs.

Dès lors, pour conserver le pilotage de l’action publique urbaine, les pouvoirs publics locaux doivent-ils se doter de capacités de régulation ou de négociation accrues afin de construire des coalitions et de forger des alliances entre ces acteurs aux intérêts variés ? Au travers du gouvernement des données, c’est la capacité de l’acteur public à gouverner la ville à l’ère du numérique qui est en jeu. Gouverner la donnée, c’est réguler la circulation de l’information. Cela interroge sur la capacité à maîtriser les flux de données et à les orienter pour, au choix, faciliter ou restreindre leurs usages, et maîtriser les représentations de l’espace urbain…

1. Le Prix de thèse sur la ville est organisé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture), l’APERAU internationale (Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme) et l’Institut CDC pour la Recherche-Caisse des Dépôts.

Contenu additionnel :

 

Pour aller plus loin :

Résumé de la thèse d’Antoine Courmont :

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