Dynamique métropolitaine et déficit d’offre de soins

Dynamique métropolitaine et déficit d’offre de soins

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Pierre ALLORANT
Professeur des universités, Doyen de la faculté de droit, économie, gestion
Université d’Orléans

L’Orléanais, un cas d’école

 

L’association du thème de la santé à la politique d’une métropole ne tombe pas sous le sens : la plupart des enjeux fondamentaux ne relèvent pas de compétences (inter-)communales mais de compétences étatiques, de la formation des professionnels de santé au budget des hôpitaux publics. Pourtant, dès la Troisième République, l’hygiénisme municipal s’est emparé de la santé publique en se fondant sur les compétences du maire, président du conseil de surveillance de l’hôpital et souvent premier employeur de la Ville. Cela préfigurait la notion englobante de santé publique telle qu’elle est aujourd’hui définie par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) : bien-être physique et mental, alimentation, activité physique et sportive.

Ce thème interpelle particulièrement la jeune métropole d’Orléans et ses territoires voisins, unique capitale régionale et métropole française à être touchée par la désertification médicale. Une situation aiguë au sein du bassin orléanais et de la région Centre-Val de Loire, dernière de France pour la densité de médecins par habitant  1.

 

Nombre de médecins pour 100 000 habitants en 2019 Données : médecins inscrits au tableau de l’ordre en activité totale Source : INSEE, Conseil national de l’ordre des médecins

 

L’importance de cet enjeu, aussi bien pour la qualité de vie des habitants de l’aire urbaine que pour l’attractivité de cette métropole et, au-delà, de la région, est aisément palpable. Ainsi, le CESER (Conseil économique, social et environnemental régional) Centre-Val de Loire qui, de manière innovante et pionnière, peut être saisi par pétition citoyenne, le fut pour la première fois sur la situation des hôpitaux dans le ressort régional. Une saisine qui donna lieu à un rapport et à des préconisations présentés en assemblée plénière commune du conseil régional et du CESER fin novembre 2019. En parallèle, le conseil de développement d’Orléans Métropole a créé un groupe de travail « Politique de Santé publique », centré sur la pénurie des professionnels libéraux et les réponses à apporter d’ici fin 2019 à travers une coordination et une meilleure articulation des interventions des collectivités publiques : communes, métropole et intercommunalités voisines, Département et Région.

Dans ce contexte de mobilisation d’urgence des collectivités publiques, sur fond de réforme des études de santé, d’application de la loi santé et du plan d’urgence pour les hôpitaux, un travail de recherche appliquée, mené de concert entre universitaires dans un esprit résolument pluridisciplinaire (géographes, juristes de droit public, sociologues, linguistes, gestionnaires, historiens du droit…), avec l’agence d’urbanisme, les élus, les services de la métropole et des communautés de communes, participe pleinement de la volonté de faciliter l’appropriation citoyenne d’une préoccupation devenue obsédante.

L’état des lieux est rapide à dresser, les symptômes chiffrés et cartographiés de la désertification sont identifiés. De même, l’absence d’un second CHU régional est objectivement aberrante en comparaison de ses voisines, Bourgogne-Franche-Comté et Pays de la Loire. Elle est aussi choquante au regard de l’égalité d’accès aux soins, en violation du principe à caractère constitutionnel du droit à la protection de la santé, sans discrimination, affirmé à l’alinéa 11 du préambule de la Constitution. Pour autant, la problématique de recherche consiste à ne pas s’en tenir à ce seul état des lieux, ni au regret de cet équipement.

 

Centre hospitalier régional d’Orléans – Quartier en rénovation urbaine Orléans – La source

 

Les chercheurs ont commencé à interroger le réseau des professionnels et l’offre de santé sur les territoires. Le constat posé fait apparaître quatre grands enjeux :

  • de fortes disparités sociales et spatiales ;
  • le défi du vieillissement et du non-renouvellement des praticiens dans un contexte de pénurie régionale ;
  • l’installation majoritaire des jeunes professionnels près du CHU de Tours ;
  • et le solde migratoire négatif des internes attirés par les littoraux.

Un constat qui interpelle le processus même de métropolisation : peut-il provoquer un changement de perception de l’agglomération d’Orléans, susceptible d’attirer de nouveaux professionnels de santé en effectifs suffisants pour assurer l’accès aux soins d’une population d’un bassin démographique et d’emplois dynamique ? Appartenir au club des 22 métropoles est-il un levier efficace d’une politique de communication, de séduction et d’accueil de professionnels en majorité formés ailleurs ? 2 Les atouts de la métropole, son offre de loisirs, de formation, de logements, son cadre de vie peuvent-ils être mieux mis en valeur grâce à ce nouveau statut et à la coordination de l’action des communes, auparavant rivales dans l’accueil de médecins, français ou étrangers, de cliniques, ou la création de maisons de santé pluridisciplinaires ?

En parallèle, il est utile de questionner la demande de soins, les usages et les besoins des habitants de la métropole et des territoires de l’Orléanais. Face à la situation détériorée et la sévère difficulté à obtenir ou conserver un médecin généraliste référent, puis à accéder dans un « délai raisonnable » à des spécialistes ou à des rendez-vous hospitaliers, quels comportements ont mis en œuvre les habitants de l’Orléanais ? L’accès à une offre supérieure de soins replace la métropole dans son réseau territorial fondamental, à l’interface entre sa relation privilégiée à Paris, très intense pour les cadres, les chefs d’entreprise et les universitaires, et son rôle de porte d’entrée du Val de Loire, en complémentarité et rivalité avec Tours. La pénurie et les temps d’attente déraisonnables à l’intérieur de la métropole orléanaise provoquent des stratégies d’évitement très inégalitaires socialement, liées à des systèmes de recommandation et de réseaux interpersonnels, singulièrement auprès des spécialistes et services hospitaliers parisiens. Cet accès dérogatoire contraste avec le renvoi des « non-initiés » vers des urgences hospitalières débordées par l’afflux des populations les moins mobiles et les moins favorisées, situation aggravée par le positionnement territorial de l’hôpital régional au sein d’un quartier de politique de la Ville.

Sans sous-estimer l’urgence de répondre à la désertification médicale, la santé au prisme d’un regard métropolitain ouvre aussi sur d’autres enjeux liés aux pratiques des individus et à la qualité de vie, dans et autour d’une métropole caractérisée par la qualité des espaces naturels (Val de Loire patrimoine mondial de l’UNESCO, forêt d’Orléans, Sologne). Comment améliorer le cadre de vie, les mobilités « douces », l’alimentation (en particulier scolaire et universitaire), la santé au travail et la prévention ? Comment aller vers la « ville résiliente », adaptée au risque d’inondation ? Comment diminuer l’accidentologie, élevée dans le Loiret… ?

La nouvelle gouvernance métropolitaine réarticule les compétences et leur mise en cohérence entre communes, métropole, communautés de communes et PETR, et fournit l’opportunité d’innover et d’inscrire la nouvelle volonté de coopérer dans l’élaboration d’un SCOT (Schéma de cohérence territoriale) unique à l’échelle du grand Orléanais. Mais l’urgence et l’ampleur de la question de la santé incitent à aller au-delà de ce cadre, en envisageant toutes les coopérations utiles avec les acteurs privés et publics de l’offre de santé, du département du Loiret à la région Centre-Val de Loire, sans décharger de ses responsabilités l’État à travers l’ARS, les deux hôpitaux régionaux et les deux universités.

 

  1. Cette singularité a justifié la proposition d’axer le programme national de recherche du ministère de la Transition écologique POPSU, « la métropole et les autres », sur cette thématique santé pour la jeune métropole d’Orléans et ses territoires voisins.
  2. À l’exception de l’école universitaire de kinésithérapie et des Instituts de formation en soins infirmiers.

Contenu additionnel :


Page du programme POPSU Métropoles dédiée à Orléans Métropole : http://www.popsu.archi.fr/popsu-metropoles/orleans-metropole

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