Les enjeux de l’observation du commerce : confronter les dynamiques territoriales aux transformations des modes de consommation

Les enjeux de l’observation du commerce : confronter les dynamiques territoriales aux transformations des modes de consommation

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Christine ENCINAS
Chargée de projets économie
aua/T
Yoan THYSSIER
Chargé de projets
aua/T

Depuis dix ans, l’Observatoire Partenarial du Commerce et de la Consommation (OP2C), suit l’évolution de l’offre en grandes surfaces (commerces de plus de 300 m²) afin de construire une vision partagée entre élus, techniciens des collectivités, aménageurs et professionnels, de la place du commerce dans l’aménagement du territoire.

Les missions d’observation sont l’un des socles de l’ingénierie des agences d’urbanisme. Et à Toulouse, les observatoires partenariaux permettent de partager, d’échanger sur différentes thématiques : l’économie et l’emploi, les transports, le commerce, l’environnement, l’habitat… afin de mesurer les impacts et les interactions entre les différentes problématiques, mais aussi de comprendre l’articulation avec l’aménagement du territoire et la planification.

Une observation du commerce au service des élus et des acteurs économiques

Dans le cadre de ses missions d’observation, l’aua/T a engagé une analyse des commerces de + 300 m², seuil de surface obligeant l’exploitant commercial à demander une autorisation en Commission départementale d’équipement commercial. La loi LME de 2008 a transformé la CDEC en CDAC et relevé le plafond à 1 000 m².

Cet inventaire, qui porte sur l’aire urbaine, est un véritable baromètre des dynamiques territoriales et des mutations de l’appareil commercial à partir du croisement de plusieurs indicateurs, dont les créations de nouvelles surfaces, les projets, les changements et déménagements d’enseignes, ainsi que les fermetures de points de vente. Cette observation fine permet de comprendre l’évolution de la structure de l’armature commerciale, afin de rendre lisible la hiérarchie des pôles sur l’ensemble du territoire et les caractéristiques de cette offre par familles d’activité économique et par niveaux de gamme (discount, mass market, enseignes premium…). L’observatoire éclaire également sur la programmation ainsi que sur l’intégration des différentes activités commerciales dans les projets d’aménagement en création ou en développement, sans oublier ceux en rénovation. L’enjeu est de montrer les équilibres entre les différents bassins de vie sur une échelle territoriale « grand cadre ». Et les analyses s’attachent à mettre en perspective ces indicateurs au regard de l’évolution de la croissance démographique et les changements des modes de consommation.

La situation actuelle montre que le territoire est bien maillé. Il est organisé autour de pôles majeurs historiques et d’ensembles commerciaux situés en première et deuxième couronne qui se sont développés au cours de la dernière décennie, notamment pour accompagner les dynamiques démographiques et répondre aux besoins des populations à l’échelle de leur bassin de vie. Cette croissance, particulièrement dynamique sur le territoire toulousain, a déjà engendré une augmentation des effets de concurrence entre les différents pôles commerciaux. Or le développement des surfaces commerciales à un rythme annuel toujours dynamique (31 200 m² autorisés en CDAC sur les cinq dernières années qui positionne Toulouse dans le top 3 des métropoles régionales !) et un stock toujours conséquent avec près de 170 000 m² autorisés mais pas encore construits (même si ce dernier diminue de manière continue depuis quatre ans) laissent craindre une saturation du marché à court terme. Alors que dans le même temps, on constate de profonds changements dans les modes de consommation avec :

  • un retour vers les commerces de proximité situés dans les centres-villes ou dans les quartiers urbains denses ;
  • un engouement pour les marchés de producteurs, les AMAP et autres circuits courts ;
  • une baisse de la fréquentation des commerces physiques qui touche davantage les galeries marchandes et les pôles périphériques ;
  • un rejet de l’hyperconsommation par une partie de la société qui peut aller pour certains jusqu’au jugaad, terme hindou que l’on peut traduire par « économie de la frugalité »…

Mobiliser de nouvelles données pour éclairer les enjeux croisés entre évolution des modes de consommation et adaptation de l’offre commerciale

Dans ce contexte, les membres de l’OP2C se sont fixé un objectif ambitieux : produire de nouveaux outils d’observation pour comprendre l’impact de ces nouveaux enjeux sur l’armature commerciale. Malgré son attractivité démographique et sa croissance économique toujours forte, le territoire toulousain connaît aussi les premiers symptômes de l’essoufflement du modèle de développement extensif de ces grandes surfaces qui se concrétisent par du turn-over d’enseignes, de la vacance, des fermetures d’établissements et l’obsolescence d’une partie du bâti ancien. Les territoires déjà fragilisés pourraient l’être encore plus avec l’arrivée de nouveaux projets concurrentiels, et d’autres pôles pourraient être déstabilisés à terme. Ces constats, loin d’être alarmants aujourd’hui, nécessitent toutefois d’être mesurés, analysés, afin d’anticiper les risques de déprise (voire d’opportunités de renouvellement urbain) de certains sites ainsi que leurs effets sur l’économie locale et l’emploi.

Les premières démarches engagées portent sur l’analyse de nouveaux indicateurs plus qualitatifs, afin d’identifier la fragilisation de certains territoires, la dépréciation du bâti, la baisse des facteurs de commercialité et de la vitalité économique et ce, pour plusieurs raisons. Ces grands pôles commerciaux connaissent depuis plusieurs années une érosion de leur attractivité (baisse du chiffre d’affaires, de la fréquentation des magasins…), exacerbée par le développement de nouvelles surfaces commerciales de type retail parks et commerces de flux, ainsi que par l’apparition de nouveaux formats de distribution, souvent de plus petite taille (inférieure à 300 m²), aujourd’hui disséminés dans le tissu urbain : tous ces facteurs induisent une concurrence croissante entre les différentes centralités commerciales (pôles de proximité, pôles intermédiaires et pôles majeurs) et entre les territoires.

Des éléments déjà partagés entre les partenaires de l’OP2C qui veulent également associer dans leurs réflexions les différents acteurs économiques du commerce comme les grands groupes, les foncières… Des échanges pour nourrir les débats, pour imaginer la nécessaire évolution ou même la transformation des pôles historiques vieillissants et monofonctionnels en y intégrant davantage de mixité et d’urbanité, pour identifier ainsi les nouveaux lieux du commerce comme les tiers-lieux, les stades, les stations-services, les nœuds de communication (gares, métro ou bus…), et anticiper les nouvelles activités et les formats de distribution qui répondront aux attentes des consommateurs.

Les prochaines étapes intégreront des réflexions plus globales, en particulier sur la question des complémentarités entre toutes les formes de commerce et de distribution : lien entre commerce de grande surface et commerce de proximité, impact sur l’emploi, réorganisation des circuits de distribution (commerces de flux et de transit, circuits courts, marchés de producteurs, recyclage, économie circulaire…), développement du commerce en ligne et enjeux sur les territoires.

L’ambition, pour l’agence d’urbanisme, est d’apporter aux élus, aux techniciens des collectivités locales comme aux acteurs du commerce, les éclairages sur les mutations profondes à l’œuvre tant au niveau local que national, afin d’améliorer l’efficience des politiques publiques, de repenser la planification de ces espaces et d’anticiper leur devenir.

L’offre de grandes surfaces dans la grande agglomération toulousaine

 

Acronymes :

AMAP : Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne

CDAC : Commission Départementale d’Aménagement Commercial

CDEC : Commission Départementale d’Équipement Commercial

LME : Loi de Modernisation de l’Économie


© aua/T

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Lien vers les publications de l’Observatoire Partenarial du Commerce et de la Consommation : http://www.aua-toulouse.org/spip.php?rubrique45

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