Une cartographie des lieux culturels dans l’agglomération toulousaine

Une cartographie des lieux culturels dans l’agglomération toulousaine

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Maître de conférences en sciences de l’homme et de la société pour l’architecture Membre du LRA, ENSA Toulouse

La cartographie des lieux culturels dans l’agglomération toulousaine révèle la diversité de l’offre sur le territoire. Celle-ci se mesure au regard des activités (création, diffusion, enseignement supérieur, préservation) ou des domaines artistiques et culturels. Derrière les points représentés se trouvent également des établissements aux profils bien différents : des salles de spectacle grand public et d’autres plus intimistes, des espaces ouverts à la pratique amateur ou réservés aux initiés, des équipements spécialisés mais aussi d’autres polyvalents associant des activités de diffusion, de création, de formation ou de production, et plusieurs champs disciplinaires.

La palette de l’offre culturelle à l’échelle de l’agglomération toulousaine est en partie le résultat d’engagements politiques dont l’histoire récente peut être retracée brièvement : des investissements importants initiés à la fin des années 1990 pour combler le manque de grands équipements structurants ; un intérêt porté dans les années 2000 aux cultures urbaines afin d’accompagner les pratiques émergentes ; une volonté au début des années 2010 de repositionner la culture, et plus largement la connaissance, comme levier du développement urbain, et même de la construction d’une société métropolitaine [1].

Typologie des lieux culturels de l’agglomération toulousaine – Sources : Basilic 31, IGN, Tisséo, AUAT, Toulouse Métrople © AUAT

 

Des configurations territoriales et culturelles héritées

Si l’offre culturelle tend ses dernières années à se rapprocher du standing métropolitain que représente Toulouse, sa répartition sur le territoire révèle néanmoins des disparités héritées d’une configuration urbaine longtemps dominée par le poids de la ville-centre, alors que la gestion des affaires culturelle était réservée aux communes. Celle de Toulouse concentre aujourd’hui encore la plupart des équipements prestigieux, comme le Théâtre national (aujourd’hui Théâtre de la Cité), le Conservatoire, l’Orchestre du Capitole, le musée d’Art contemporain des Abattoirs, le Muséum d’histoire naturelle ou encore le Zénith. À cette offre d’équipements publics peut s’ajouter celle composée de lieux de taille plus modeste : des centres culturels et des maisons de quartier, mais aussi des lieux privés à vocation commerciale (cafés-concerts, galeries d’art). Tous n’apparaissent pas sur cette carte, mais leur programmation régulière participe de l’attractivité culturelle et festive du centre-ville de Toulouse.

Cette forte concentration de l’offre ne signifie pas pour autant que la culture est absente en périphérie, comme en atteste l’émiettement de lieux polyvalents, tels que les bibliothèques, médiathèques et salles des fêtes, dédiés à la préservation et aussi souvent à la diffusion [2]. Dans ces lieux, se cristallisent des initiatives municipales ou associatives qui contribuent, pour les communes de banlieue comme pour les communes périurbaines, à animer la vie locale et plus largement à faciliter l’accès à la culture. Sont également identifiés quelques équipements d’envergure métropolitaine de par leur rayonnement ou leur rôle structurant dans certaines disciplines artistiques tels que la Grainerie à Balma (nouveaux territoires de l’art), l’Usine à Tournefeuille (arts du cirque) ou le Pavillon Blanc Henri Molina à Colomiers (médiathèque, centre d’art).

La culture permet ainsi de mettre en exergue les rouages d’une agglomération devenue polycentrique mais dont les limites institutionnelles continuent de fragmenter le territoire. Le Bikini à Ramonville-Saint-Agne (musiques amplifiées) se situe par exemple en dehors du périmètre intercommunal de Toulouse.

La culture pour faire métropole ?

Le virage métropolitain amorcé ces dernières années témoigne pourtant d’avancées significatives en matière de co-construction de la politique culturelle. Les acteurs culturels et artistiques ont d’abord été consultés dans le cadre d’une concertation inédite organisée par les élus et techniciens de la Ville de Toulouse. L’objectif était de décloisonner les milieux, à l’échelle de la commune-centre dans un premier temps, afin d’identifier les forces en présence et de comprendre les lacunes du territoire. De ces rencontres, est né le premier projet culturel de

Toulouse. Outre l’émergence de nouveaux objets de l’action publique, comme la culture scientifique et technique, l’aménagement de certains équipements vient renforcer des centralités culturelles existantes

(le Quai des Savoirs dans le futur quartier des sciences). D’autres s’inscrivent dans une stratégie de redéploiement de l’offre culturelle afin d’accompagner la croissance urbaine et le développement de nouveaux quartiers en périphérie de Toulouse (le Metronum à Borderouge, la Halle de La Machine à Montaudran). Enfin, Toulouse Métropole a organisé plus récemment le transfert des équipes administratives et la mutualisation de compétences en identifiant des équipements, des événements et des services d’intérêt métropolitain. Si l’ambition est désormais d’écrire une politique culturelle à l’échelle des 37 communes qui composent le territoire, la cartographie des lieux culturels conduit à rappeler quelques enjeux que pose aujourd’hui la fabrique métropolitaine.

Tout d’abord, la culture comme projet de territoire est bien évidemment une opportunité pour compléter l’offre d’équipements, rapprocher les habitants, soutenir des filières économiquement fragiles ou encore élargir le maillage des territoires pour faire métropole. Mais des arbitrages entre stratégies multiples peuvent aussi révéler l’existence de tensions entre des logiques d’aménagement du territoire et des logiques artistiques, par exemple lorsqu’il s’agit de localiser une salle de concert en périphérie alors que les acteurs et les publics de la scène locale, à qui cet équipement s’adresse principalement, sont plutôt tournés vers le centre-ville et son foisonnement de lieux festifs.

Par ailleurs, la localisation des lieux met en exergue une configuration polycentrique du territoire dont la lecture est ainsi insuffisante pour appréhender le fait culturel et urbain dans sa complexité. L’observation des acteurs, des pratiques artistiques et plus largement des expériences humaines révèle par ailleurs des dynamiques qui dépassent les murs d’un équipement ou les limites d’une institution intercommunale, et réinterrogent, comme pour d’autres champs de la vie urbaine, la compréhension du fait métropolitain [3].

En effet, ces domaines d’activité s’inscrivent moins dans une logique de territoire que de réseaux, de flux et de relations entre acteurs parfois très éloignés et aux profils bien différents. Certains d’entre eux ne sont d’ailleurs pas du tout attachés à un lieu ou à un territoire en particulier, et échappent alors aux radars des politiques publiques et des cartographes. La question qui se pose ici pour faire métropole n’est donc pas seulement celle du maillage des lieux culturels à un bon périmètre, et renvoie plus largement à la capacité des compétences métropolitaines à se doter d’outils appropriés pour considérer les transformations du monde de la culture dans le contexte de métropolisation [4].

 

[1] BALTI S., SIBERTIN-BLANC M., « La connaissance, moteur de la construction d’une société métropolitaine », in Une trajectoire métropolitaine, l’exemple de Toulouse, Le Moniteur, 2016.

[2] SIBERTIN-BLANC M., « Initiatives culturelles et structuration de l’espace métropolitain toulousain », in AUGUSTIN J.-P.et LEFEBVRE A., Perspectives territoriales pour la culture, MSHA, 2004.

[3] BALTI S., « Géographie des musiques amplifiées et recompositions territoriales dans l’agglomération toulousaine », Géographie et Cultures, L’Harmattan, CNRS, 2018.

[4] OFFNER J.-M., Métropoles invisibles. Les métropoles au défi de la métropolisation, Les conférences POPSU, 2018.

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