Un bel avenir pour Quinze Sols

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Jean-Paul LABORIE
Professeur émérite, membre du LISST – CIEU
Université Toulouse II Jean-Jaurès

Le montant du rachat des parcelles des biens communaux de Blagnac pour exploiter en maraîchage les terres incultes du méandre de la Garonne était de « dix sous » ou « quinze sols ». Par la suite, cette expression est devenue le nom d’un espace de peu de valeur, pour partie transformé en dépotoir de l’agglomération toulousaine. Trente années plus tard, cette zone est qualifiée de zone maraîchère, d’espace de loisirs et d’animation et même d’espace touristique. « Elle constitue un lieu très agréable de balade. C’est aussi le paradis des pêcheurs et des amoureux de la faune et de la flore, qui apprécieront de découvrir un écosystème exceptionnel ! (Source : Le Petit Futé) »

De la décharge au Grand Parc Garonne

Les Quinze Sols sont observés aujourd’hui comme un exemple à suivre d’agriculture urbaine de proximité

Ce renversement des valeurs est spectaculaire : il mérite attention. Avant 1962, comme dans la majorité des communes limitrophes de Toulouse, l’espace agricole n’est encore que peu grignoté par l’urbanisation et Blagnac n’est qu’un gros village (3 443 habitants en 1954). Par contre, l’expansion progresse ensuite rapidement (8 417 habitants en 1968), mais sans porter atteinte à cet espace agricole des Quinze Sols pourtant situé au voisinage de la commune de Toulouse et à quelques encablures de ce qui deviendra la zone aéroportuaire.
Comment ne pas imputer un rôle répulsif essentiel dans le blocage de l’urbanisation à la présence, en bordure de la zone maraîchère, d’une importante gravière devenue partiellement un vaste dépotoir incontrôlé sur les berges de la Garonne ?
Dans les coulisses de l’expansion spatiale, quand les interdits furent levés, une récupération des sols, une nouvelle valorisation de l’espace et une urbanisation sous contrôle devenaient en effet possibles.
Entre 1965, quand l’exploitant des gravières du lit de la Garonne autorise la commune à déposer les ordures ménagères dans les excavations produites, et la date des arrêtés instituant une double protection en classant les Quinze Sols en zone NA dans le PLU (plan local d’urbanisme) et dans le périmètre de protection du risque d’inondation (PPRI), plus de cinquante années se sont écoulées.

1979 : un apport de 1 200 m3 par jour dans la décharge

Jusqu’en 1979, la décharge, autorisée contre le paiement d’une taxe versée à la ville de Blagnac, attire de tout et de partout. « Les chauffeurs de gadoue » transportent les appareils les plus divers, la ferraille, les cartons, les ordures ménagères, les déjections, les papiers de l’aéroport et jusqu’aux déchets hospitaliers de l’hôpital Purpan vers cette masse de trois mètres de hauteur en bordure de la Garonne. De 1965 à 1979, un million de tonnes se sont accumulées dans cette décharge dont la surface est évaluée à 390 000 m².
L’arrêté municipal de 1984 stoppe vingt années de déclin de ce territoire, même si par la suite des déchets verts et des déchets inertes y furent autorisés avant la fermeture à tout dépôt en 1993. Les propriétaires exploitants n’ont plus trouvé de repreneur, la route d’accès à la décharge n’a pas résisté à l’intensité du trafic, des caravanes se sont installées, des dépôts se sont multipliés…
Cette intense activité de la décharge et les nuisances associées ont bloqué les velléités de réalisation du patrimoine foncier des 225 petits propriétaires de la zone maraîchère voisine.

Années 80 : au premier plan la zone maraîchère, ensuite la zone gravière-déchets, enfin les rives de la Garonne

Années 80 : décharge

De l’aménagement de la zone de loisirs au projet d’agriculture urbaine

Les terrains récupérés sur les gravières et utilisables ont été aménagés pour des activités diverses (tout-terrain, aéromodélisme, BMX…), regroupées avec Beauzelle dans l’une des six bases de loisirs de la métropole toulousaine.
L’enjeu premier du projet « agricole » de la zone maraîchère était celui du foncier. Peu attractive sinon répulsive, une fois débarrassée de la décharge, de ses déchets, de ses trafics, à proximité de la ville de Blagnac dont la croissance se précisait et très proche des Ramiers de la Garonne, la perception de la zone maraîchère devenait tout autre.
À la protection apportée par le PLU et le PPRI, la ville de Blagnac a ajouté des dispositifs complémentaires dont une convention avec la SAFER. Cette dernière informe de l’éventualité d’un achat et, à chaque fois, la ville préempte à l’amiable (32 hectares ainsi acquis sur les 130 de la zone). Cette action de la municipalité et les autres interventions destinées à requalifier l’environnement des Quinze Sols ont découragé d’éventuels repreneurs ou spéculateurs. Ils vendent.
L’autre enjeu actuel est d’assurer la viabilité du maraîchage pour les six à dix maraîchers à plein temps des Quinze Sols.
La procédure de réorganisation foncière suivie par le conseil départemental appuie les échanges de terres, la commune participe à l’amélioration des équipements (serres, chambres froides, aires de lavage…) mais les projets doivent prendre en compte les restrictions du PPRI et les difficultés de produire bio sur des sols de qualité discutable. Le rapprochement avec le MIN (marché d’intérêt national aujourd’hui Grand Marché de Toulouse), qui affiche une stratégie de recentrage sur les productions locales et les circuits courts dans une convention apportant des garanties de commercialisation, constitue une initiative prometteuse.
L’espace des Quinze Sols est désormais intégré dans un schéma directeur d’une zone d’intérêt paysager. Depuis 2015, il appartient au Grand Parc Garonne, vaste chantier de valorisation du fleuve. Son agriculture est devenue emblématique de cette agriculture urbaine souhaitée par des métropoles qui l’ont rejetée dans leurs grandes périphéries depuis des années. Et il est difficile de croire que cette destinée se soit consolidée grâce à la présence de sa décharge qui, pendant des années, l’a préservé d’une rapide urbanisation…

Le secteur aujourd’hui

 


© J.P. Laborie, © Hydro-M 

Contenu additionnel :


Plus d’informations sur la zone maraîchère des Quinze sols sur le site de la mairie de Blagnac : www.mairie-blagnac.fr/webtv/regain-maraichage-aux-quinze-sols.html

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